Comportements
professionnels
Série
n° 5
Il m’est arrivé une seule fois dans ma vie d’être paralysé par la peur.
C’était au collège, au cours d’un examen de mathématiques pour lequel je ne
m’étais pas préparé. Je me souviens encore de la salle vers laquelle je me
dirigeais en ce matin de printemps, le cœur lourd d’un sombre pressentiment.
J’y avais assisté à de nombreux cours. Cependant, ce jour-là, je ne
reconnaissais pas les lieux et ne voyais rien. Quand j’ouvris mon livre
d’examen, mon cœur se mit à cogner dans ma poitrine et je sentis l’angoisse
m’étreindre l’estomac.
Je jetais un coup d’oeil rapide aux questions. Aucun espoir. Pendant une
heure, le regard fixé sur la page, j’imaginais le désastre. Les mêmes pensées
revenaient sans cesse avec leur cortège de peurs. J’étais immobile, comme un
animal paralysé par le curare au milieu d’un mouvement. Le plus frappant
pendant ces minutes atroces fût le rétrécissement du champ de ma pensée. A
aucun moment je n’essayai de trouver un semblant de réponse. Je ne rêvassais
pas. Je restais simplement assis, obnubilé par ma terreur, attendant la fin du
supplice.
Cette histoire est mon histoire. Elle montre l’effet dévastateur exercé
par l’angoisse sur la clarté d’esprit. Elle témoigne du pouvoir que possède le
cerveau émotionnel de subjuguer, voire de paralyser, le cerveau pensant.
Les effets perturbateurs des troubles affectifs sur la vie mentale sont
bien connus des enseignants. Les élèves angoissés, déprimés ou furieux sont
incapables d’apprendre ; ceux qui s’enferment dans ces états émotifs
n’enregistrent pas l’information ou n’en tirent pas le meilleur parti. Les
émotions à forte charge négative attirent l’attention sur les préoccupations
qui leur sont propres et s’opposent à toute tentative de la diriger ailleurs.
Quand les sentiments deviennent envahissants au point de chasser toute autre
pensée et de saboter les efforts pour se concentrer sur le travail ou l’action
en cours, c’est qu’ils ont franchi la limite du pathologique. La personne
préoccupée par son divorce se détourne vite de ses occupations ordinaires qui
lui paraissent dérisoires. Chez les dépressifs, l’apitoiement sur soi-même, le
désespoir, le sentiment d’impuissance, l’incapacité à s’en sortir l’emportent
sur toutes les autres pensées.
Lorsque les émotions interdisent toute concentration, ce qui est
perturbé est la capacité mentale que les spécialistes nomment la «mémoire
active», l’aptitude à garder présente à l’esprit toute information en rapport
avec la tâche en cours. La mémoire active contient des données banales comme un
numéro de téléphone ou complexes comme l’intrigue qui se noue dans un roman.
C’est l’exécutif de la vie mentale ; c’est la mémoire active qui rend
possibles les autres opérations intellectuelles, qu’il s’agisse de prononcer une
phrase ou de s’attaquer à un problème logique épineux. Le cortex préfrontal est
le siège de la mémoire active et aussi le lieu de rencontre des sentiments et
des émotions. L’emprise de la détresse affective sur le circuit limbique qui
converge vers le cortex pré frontal se paie notamment par une moindre
efficacité de la mémoire active : on devient incapable de se concentrer, comme
pendant ma terrible épreuve de maths.
Considérez, par contre, le rôle d’une motivation positive, ce qui se
passe quand l’enthousiasme, le zèle et la confiance se mobilisent pour
atteindre un but. Des études effectuées sur les joueurs d’échecs de haut niveau
montrent que leur point commun est leur aptitude à se motiver eux-mêmes pour
s’astreindre à un entraînement rigoureux. Avec l’augmentation régulière du
niveau de compétitions, l’entraînement doit commencer de plus en plus tôt. Aux
Jeux olympiques de 1992, les membres de l’équipe chinoise de plongeon avaient,
à douze ans, consacré autant de temps à la pratique de leur sport que ceux de
l’équipe américaine, qui avaient tous plus de vingt ans ; les plongeurs chinois
avaient commencé à s'entraîner à quatre ans. De même, les meilleurs violonistes
du XXe siècle ont commencé à jouer de leur instrument vers l’âge de cinq ans,
les champions internationaux d’échecs, à sept ans en moyenne, alors que les
joueurs de classe nationale n’ont commencé que vers dix ans. La précocité
confère un avantage qui se conserve la vie durant. Les élèves de violon les
plus brillants du meilleur conservatoire de Berlin, qui ont à peine plus de
vingt ans, ont donné dix mille heures de leur vie à la pratique de leur art,
tandis que les autres n'y ont consacré que sept mille cinq cents heures
environ.
Ce qui semble distinguer les membres du peloton de tête de ceux qui
possèdent des dispositions en gros équivalentes, c’est leur capacité à
persévérer pendant des années et depuis leur plus jeune âge dans une pratique
systématique et difficile. Et cette ténacité repose avant tout sur certains
traits psychologiques : l’enthousiasme et la persévérance face aux déconvenues.
En matière de réussite, les personnes fortement motivées, quelles que
puissent être leurs autres qualités innées, bénéficient d’une longueur
d’avance, comme le montrent bien les remarquables résultats scolaires et
professionnels obtenus par les élèves d’origine asiatique en Amérique. Un
examen approfondi des données montre que le QI de ces enfants ne serait, en
moyenne, supérieur que de deux ou trois points à celui d’enfants blancs.
Cependant, si l’on considère les carrières comme le droit ou la médecine vers
lesquelles s’orientent beaucoup d’Américains d’origine asiatique, ceux-ci se
comportent comme si leur QI était bien plus élevé -l’équivalent de 110 pour les
Nippo-Américains, de 120 pour les Sino-Américains. La raison semble être que
depuis leurs premières années d’école, les enfants asiatiques travaillent
davantage que les Occidentaux. Selon Sanford Dorenbusch, un sociologue de
Stanford qui a effectué une étude portant sur plus de dix mille élèves du
secondaire, les enfants d’origine asiatique passent 40% plus de temps à faire
leurs devoirs à la maison que les autres élèves. «Alors que la plupart des
parents américains acceptent volontiers les points faibles de leurs enfants et
mettent l’accent sur leurs points forts, les Asiatiques adoptent une attitude
différente: quand on obtient des résultats médiocres, le remède consiste à
travailler plus tard le soir, et, si cela ne suffit pas, à se lever plus tôt et
à travailler le matin. Ils sont convaincus que tout le monde peut obtenir de
bons résultats scolaires si l’on s’en donne la peine.» Bref, une solide éthique
du travail scolaire se traduit par une motivation, une persévérance et un zèle
plus grands, ce qui constitue un avantage psychologique indéniable.
Dans la mesure où nos émotions bloquent ou amplifient notre capacité de
penser et de planifier, d’apprendre en vue d’atteindre un but lointain, de
résoudre des problèmes, etc., elles définissent les limites de notre aptitude à
utiliser nos capacités mentales innées et décident donc de notre avenir. Et
dans la mesure où nous sommes motivés par l’enthousiasme et le plaisir que nous
procure ce que nous faisons -voire par un niveau optimal d’anxiété -, les
émotions nous mènent à la réussite. C’est en ce sens que l’intelligence
émotionnelle est une aptitude maîtresse qui influe profondément sur toutes les
autres en les stimulant ou en les inhibant.
(Texte de Daniel Goleman - L'intelligence émotionnelle - pages 106 à 109
- Edition Robert Laffont - Tome 1)
Questions :
1-
Enumérer les perturbations émotionnelles qui empêchent de bien apprendre.
2-
Pourquoi les perturbations émotionnelles empêchent d’apprendre ?
3-
Comment un étudiant à quotient intellectuel normal peut-il exceller aux
études ?
4-
Enumérer les attitudes professionnelles qu’un expert-comptable stagiaire doit
observer dans l’exécution de ses tâches pour développer ses capacités
d’apprentissage pratique.
5-
Expliquer comment chaque individu emporte ses propres limites.
6-
Pourquoi les étudiants américains d’origine asiatique réussissent mieux dans
les études ?
7-
À quelles attitudes devrait-on s’exercer pour neutraliser les effets des
perturbations émotionnelles sur notre capacité de bien apprendre et notre
capacité de bien travailler ?
8-
Dites pourquoi les aptitudes d’apprentissage académique en comptabilité
rejoignent de plus en plus les aptitudes d’exercice professionnel ?
9-
Expliquer le concept de niveau optimal d'anxiété (de stress).
Exercice 1 :
En discutant avec la réceptionniste du cabinet dans lequel vous
effectuez votre stage d'expertise comptable, la secrétaire vous confit : «Etre
assise ici des heures durant la semaine à sourire, à taper sur le clavier, à
répondre gentiment, c'est complètement nul. Je n'en tire aucune satisfaction. Les
huit heures quotidiennes que je passe ici sont du temps perdu».
Qu'en pensez-vous ?
Exercice 2 :
Expliquer pourquoi : «Trop d'anxiété tue l'enthousiasme, mais une dose d'anxiété
modérée, un sentiment d'urgence vont nous mobiliser. Sans la moindre urgence,
nous devenons apathique. Trop d'urgence et nous sommes submergés».
Exercice 3 :
L'adhésion aux objectifs de l'entreprise peut se révéler plus fort que
n'importe quelle incitation financière. Comme le rapporte une cadre dirigeante
d'une société chargée de faire de sa société l'un des grands acteurs d'internet
: «les chasseurs de têtes me téléphonent tout le temps. Ils me disent :
"Nous pouvons faire de vous quelqu'un de très riche." Mais ils se
trompent d'argument. Je vais changer le monde avec mon projet. Je suis en train
de m'accomplir».
Question :
1)
Comment peut-on qualifier l'employabilité de cette cadre-dirigeante ?
2)
Quelles sont les qualités et compétences comportementales clés qui se déduisent
du texte ?
Exercice 4 :
«Les salariés qui se considèrent comme des visiteurs plutôt que comme
des résidents dans une entreprise font preuve d'un engagement médiocre» (Daniel
Goleman).
Question :
1)
Expliquer le sens de résidents et visiteurs.
2)
Donner trois exemples de personnes qui présentent le risque de se comporter en
visiteurs.
Exercice 5 :
Vous occupez la fonction de chef de mission dans un cabinet d'expertise
comptable. Vous constatez depuis une semaine que l'un de vos collaborateurs,
dont vous appréciez par ailleurs les compétences techniques, n'est plus
ponctuel.
Dites comment vous allez vous prendre pour recadrer vos rapports
professionnels ?
Exercice 6 :
Un chef d'entreprise déclare : "Les erreurs sont des trésors,
une chance pour progresser. Beaucoup de dirigeants doivent comprendre qu'ils
devraient être plus tolérants devant les erreurs des autres, et les aider à en
tirer les conséquences au lieu de les sanctionner".
Question :
1)
Donner un titre à ce texte.
2)
Quelles sont les qualités émotionnelles que l'on peut déduire du texte ?
3)
Pour que l'erreur soit tolérée par un chef et approchée comme un moyen
d'apprentissage, quelles sont les qualités du collaborateur que le chef prend
pour admises au préalable ?
Exercice 7 :
Deux collègues exerçant le même travail expriment ce qu'ils ressentent :
Le premier dit : "Ma vie ressemble à une course de rats. Je cours
tout le temps. J'essaie toujours de rattraper mon retard, de respecter les
délais, mais la plupart des tâches à accomplir restent insignifiantes,
routinières, ce qui fait que même quand je suis bousculé, je m'ennuie".
Le second dit : "Je ne n'ennuie presque jamais. Même quand je ne
trouve pas le travail à faire intéressant, je finis en général, une fois que je
suis entré dedans, par en découvrir les aspects stimulants. J'essaie toujours
de tirer le meilleur parti de la situation de donner à ma vie professionnelle
la direction la plus captivante possible".
Question : Quels enseignements peut-on tirer de ces deux attitudes si
divergentes ?
Exercice 8 :
Selon Daniel GOLEMAN, «plus on grimpe dans la hiérarchie, plus
l’importance de l’intelligence émotionnelle s’accroît. Dans les fonctions les
plus complexes, parmi les cadres supérieurs et les dirigeants d’entreprise, le
Quotient Intellectuel et l’expertise ne permettent pas de prédire lesquelles seront
les personnes exceptionnellement efficaces. Ce sont plutôt les outils de
sélection.
L’immense différence de valeur économique entre les meilleurs
professionnels et les autres à des postes élevés montre que l’intelligence
émotionnelle ne s’ajoute pas aux capacités intellectuelles mais qu’elles les
multiplie : elle constitue le facteur invisible mais déterminant de la
performance d’exception».
L’impact sur la performance apparaît lorsqu’une personne atteint le
seuil critique d’intelligence émotionnelle. C’est ce qui a fait dire à Ernest
Lawrence, prix Nobel de physique, «qu’en sciences, l’excellence n’est pas une
question de compétence technique mais de caractère» de sorte que l'on peut
affirmer que, plus que jamais, l'homme est plus important que le diplôme.
Question 1 : Expliquer en 10 lignes au maximum le concept de seuil
critique d’intelligence émotionnelle.
Question 2 : Expliquer en 10 lignes au maximum pourquoi «plus on grimpe
dans la hiérarchie, plus l’importance de l’intelligence émotionnelle s’accroît»
?
Question 3 : Expliquer en 20 lignes au maximum l’adage qui dit :
«l’homme est plus important que le diplôme».
Exercice 9 :
La compétence émotionnelle permet de bien se comporter aussi bien dans
la vie personnelle que dans la vie professionnelle.
Le déficit en intelligence interpersonnelle favorise le risque de choix
faibles dans les décisions clés pour la vie d’un homme ou d’une femme.
Question unique : Citer trois décisions clés dans votre vie qui sont
influencées par votre compétence émotionnelle.
Exercice 10 :
A On vous propose un travail très bien
rémunéré (2500 dinars net par mois) avec un patron réputé très difficile.
Question 1 : Sur la base d’une rémunération annuelle de 13 mois (dont un
mois de congés payés), et des cotisations sociales et fiscales patronales de
20%, calculer votre coût réel mensuel pour l’entreprise.
Question 2 : Énumérer les conduites d’aveuglement courantes que vous
pouvez craindre chez un patron difficile.
B Vous avez accepté la proposition et pris le
poste. Après quelque temps, vous avez relevé chez votre patron deux
comportements qui vous gênent le plus : son caractère prétentieux et le
mensonge.
Question 3 : Énumérer (de façon succincte) les conséquences les plus
graves que suscite un comportement prétentieux.
Question 4 : Énumérer les différentes formes de mensonge et expliquer sa
gravité.
C Vous avez constaté que votre patron
manque cruellement d’empathie.
Question 5 : En une dizaine de lignes, définir l’empathie et dire son
importance pour l’entreprise.
Exercice 11 :
Le principe du seuil d’incompétence dit principe de Peter postule que :
«chaque employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence».
Question 1 : Expliquer en 15 lignes au maximum le principe de Peter.
Question 2 : Que doit-on faire pour éviter de tomber soi-même dans
l’incompétence ?
Exercice 12 :
A Les compétences qui sont désormais
nécessaires aux comptables pour faire une carrière brillante couvrent en plus
des aptitudes scientifiques et des habiletés techniques l’ensemble des compétences
comportementales.
Le seuil critique de compétence comportementale est spécifique à chacun
des métiers comptables (audit, assistance comptable ou conseil aux
entreprises). Mais deux compétences restent toujours nécessaires et jouent un
rôle fondamental : la fiabilité et la conscience professionnelle.
Question 1 : Donner la définition générique des manifestations de ces
deux compétences émotionnelles.
B En plus, les auditeurs auront besoin
particulièrement de confiance en soi et d’indépendance d’esprit et
d’objectivité.
Question 2 : Quels sont les types de métiers pour lesquels la confiance
en soi est une compétence fondamentale (compétence critique).
Question 3 : Donner la définition générique des manifestations de la
confiance en soi et de l’indépendance d’esprit et l’objectivité.
Question 4 : Énumérer cinq techniques pour développer la confiance en
soi.