La partie double, la grande force de la technique comptable
La comptabilité consistant à tenir les comptes des correspondants permettait de suivre la situation des partenaires de l'entreprise mais ne pouvait éclairer sur la situation globale de l'entreprise. Cette comptabilité est dite à partie simple. En exprimant leur besoin de savoir quelle est la situation de l'entreprise, les chefs d'entreprise ont poussé les comptables à rechercher une technique permettant à la fois de suivre la situation des éléments composant le patrimoine de l'entreprise et la position de l'entreprise vis à vis de ses partenaires (clients, fournisseurs, banquiers). Section 1. Découverte par étape de la partie doubleOn assurera dans un premier temps le suivi des opérations qui représentent des éléments physiques par des comptes de débit qui sont venus s'ajouter aux comptes de créances et de dettes : compte immeuble, compte matériel, compte caisse, compte marchandises. Mais ces comptes étaient tenus indépendamment les uns des autres, ce qui laissait planer un grand risque d'erreur et privait les comptables de l'assurance de l'exactitude arithmétique de leur travail. Vers le 13ème siècle, on imagina le compte «capital» pour représenter les apports des propriétaires. Ainsi, lorsqu'un propriétaire mettait de l'argent dans son affaire, on traduisait l'opération comme suit : - On mettait à jour le compte de débit caisse ; - On inscrivait l'opération dans un compte crédit «capital». A ce stade de l'histoire, nous disposions déjà d'une comptabilité qui permettait par la mise à jour indépendante des comptes de déterminer l'ensemble des éléments du patrimoine. A la fin de l'année, on additionnait les soldes des comptes de débit, puis on additionnait les soldes des comptes de crédit, la différence indiquait le résultat de la période : enrichissement s'il s'agit de bénéfice ou appauvrissement s'il s'agit de perte ou de déficit. Le total des soldes des comptes de situation débiteurs (moins) le total des soldes des comptes de situation créditeurs =
La comptabilité était déjà devenue plus informative, mais le fait de tenir les comptes de façon totalement déconnectée les uns des autres n'offrait aucune sécurité et laissait les comptables très peu sûrs d'eux mêmes. On s'achemina alors vers la recherche d'une technique qui permet la traduction comptable de l'interrelation entre les ressources et leurs emplois. La solution fût facilement trouvée lorsque l'opération avait pour origine un compte de dettes et pour emploi un compte d'élément physique de patrimoine ou vice-versa. Exemple : Achat d'un immeuble pour 100.000 dinars payé à crédit.
Il en était de même lorsque l'opération augmentait un compte de débit et en diminuait un autre. Exemple : Achat d'un immeuble pour 100.000 dinars payé au comptant en espèces.
En revanche, la solution fût plus difficile à trouver lorsqu'il s'agissait du paiement d'une dépense tels que les loyers. Dans ce cas, on savait quel est le compte à créditer (sortie de trésorerie) mais on ne savait pas exprimer comptablement sa contrepartie, puisque la dépense n'avait pas de contrepartie physique. La même difficulté se posait lorsqu'on encaissait un loyer. En guise de solution provisoire, on imaginera la présentation suivante du journal : 1- Achat terrain 20.000 D payé en espèces. 2- Payé salaire 600 D en espèces. 3- Encaissé loyer 800 D en espèces. 4- Encaissé coupon d'intérêt 120 D par chèque.
D + D' = C + C' En observant les deux colonnes en marge ou en appendice du journal, on constate que la colonne de gauche ou des débits regroupait des sommes ayant toutes une même nature : consommation de richesses ou dépenses consommées. L'autre colonne de droite ou des crédits regroupait des sommes ayant toutes une même nature représentant les richesses produites ou recettes gagnées. C'est alors que l'homme imagine le concept [1] de comptes de charges et de comptes de produits qui sont une représentation de l'esprit sans existence matérielle. Ces comptes qui constituent des entités abstraites vont servir d'éléments de classement des emplois et des ressources correspondants aux richesses effectivement consommées ou aux richesses effectivement produites. Ainsi les loyers payés seront comptabilisés comme suit :
Et les loyers encaissés comme suit :
Avec la création des comptes de charges et de produits qui a succédé à la conception du compte «capital social», la technique de la partie double est parachevée. Elle régit depuis la technique comptable et constitue un de ses dispositifs clefs de sécurité arithmétique. Section 2. Mécanisme de la partie doubleSelon la technique de la partie double, chaque opération, chaque fait est analysé concomitamment sous ses deux aspects : origine et emploi. Ainsi, contrairement au langage usuel [2], tous les comptes qui reçoivent sont débités alors que tous les comptes qui fournissent sont crédités : débits et crédits étant nécessairement d'égal montant. D'un autre côté, l'utilisation du journal va contribuer à améliorer l'organisation du travail comptable. Aussi, au lieu de porter les écritures qui décrivent dorénavant pour chaque opération la ressource et l'emploi qui en est fait directement dans les comptes à colonnes, les opérations seront-elles portées dans les comptes dans un journal chronologique qui va permettre de contrôler la succession des transactions telles qu'elles se déroulent dans la vie réelle l'une après l'autre. Exemple : 1- Achat immeuble 100.000 D. 2- Payé fournisseur de l'immeuble par chèque. 3- Encaissé loyer en espèces 1.000 D
Les opérations inscrites dans un premier temps dans le journal, seront ensuite reportées dans chacun des comptes à deux colonnes «débits et crédits». La récapitulation de tous les comptes à colonnes est faite dans un tableau appelé Balance. A ce stade, on peut avancer une nouvelle définition du compte : Le compte est une unité de classement comptable. Il est une entité représentant des éléments réels lorsqu'il s'agit d'un compte de bilan, alors qu'il est une entité abstraite lorsqu'il s'agit d'un compte de gestion.
[1] Concept : Représentation mentale générale et abstraite d'un objet. [2] Le débit d'eau désigne en langage usuel, la sortie d'eau. Lorsque je dis, je débite des marchandises au sens usuel cela signifie je fais sortir des marchandises, je livre. En comptabilité, le sens donné au mot débit est différent.
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