Les métiers de l'expert-comptable dans le contexte des nouvelles technologies de l’information et de la communication : De l'étude d'impact à l'organisation de la réaction
Par : Sofiane GARGOURI Expert comptable
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S’il est un phénomène singulier qui marque cette transition du vingtième au vingt-et-unième siècle, c’est incontestablement l'irruption des technologies de l’information et de la communication. Celles-ci investissent rapidement tous les aspects de la vie économique et sociale. Les téléphones portables, récepteurs satellite et téléviseurs numériques, lecteurs DVD-Rom et modems deviennent des acteurs incontournables de notre vie quotidienne. Internet est pour cette révolution numérique un véritable catalyseur. Fédérant toutes les technologies et porté par un ensemble de concepts idéologiques tels que la mondialisation, la globalisation de l'économie et la société de l'information, Internet connaît un essor fabuleux. De 100 millions en 1998, la population mondiale connectée est passée à 580 millions à la fin 2002[1]. On estime que la barre de 1 milliard de personnes connectées sera franchie avant 2005[2]. La profession comptable n'est pas en reste par rapport à cette révolution. Les technologies de l’information et de la communication constitueront, de l’avis de tous les chercheurs et les praticiens, le principal vecteur de changement en comptabilité au cours de la prochaine décennie. La nouvelle économie est celle de l’information. Pour une profession dont la matière première et le produit fini sont justement de l’information, les enjeux ne peuvent être qu’énormes. L'impact des technologies de l’information et de la communication sur la profession comptable peut être étudié par référence à la triptyque de l'exercice professionnel : les clients, les métiers et les ressources humaines. Les clients : Au sein d'une économie mondiale recherchant plus que jamais l'efficience sous la pression de marchés financiers de plus en plus exigeants et interdépendants, le commerce électronique fait désormais figure de maillon indispensable. Neutralisant quasiment tous les obstacles à la communication vendeur – acheteur (notamment géographiques et temporels), Internet permet au premier de s'adresser à une clientèle mondiale et au second de jouir de l'éventail de choix le plus large possible. Alors qu'il permet au professionnel comptable de s'adresser à une clientèle plus large, Internet donne naissance à une nouvelle génération de clients plus avisés et donc plus exigeants. Par ailleurs, la focalisation sur les clients est l'un des principaux fondements des nouveaux modes d'organisation et des modèles d'affaires innovants. Les métiers : L'explosion des technologies de l’information et de la communication sonne la fin des monopoles ; et ce dans deux mesures :
La limitation des monopoles, relayée à l'échelle de l'entreprise par la désintermédiation, met à mal les métiers les moins qualifiés et pousse les professionnels à se spécialiser et à s'organiser en noyaux de compétence et en réseaux de prestataires complémentaires. Le remodelage des métiers classiques par la technologie opère un clivage entre les professionnels et pousse ces derniers à prendre en main leur formation et à rechercher en permanence de nouvelles compétences. Les nouvelles technologies n'ont pas manqué de générer au profit de la profession comptable de nouvelles opportunités de service. Les ressources humaines : Dans cette ère du savoir, les ressources humaines sont encore plus importantes qu'elles ne l'ont jamais été. Le savoir se renouvelle à un rythme tellement soutenu que des gaps sont très vite creusés entre les nations et les hommes selon la capacité des uns et des autres à suivre la cadence. La formation devient aujourd'hui un acte volontaire et conscient. La valeur des hommes ne se limite plus aux diplômes. Elle est davantage dans l'expérience et la capacité à se former[3]. Par ailleurs, la transparence et l'ouverture des systèmes d'information exigent du personnel des cabinets d'expertise comptable une grande maturité, de l'autodiscipline, un fort sens de l'éthique et des responsabilités et créent un biais technologique favorable aux personnes les plus qualifiées[4]. De ces trois éléments, les métiers est l'élément auquel ce travail s'adresse en priorité. En effet, c'est l'élément qui détermine l'identité de la profession et sa perception par les clients et les ressources humaines. Il s'agit simplement du patrimoine de la profession. Au regard de leur métier de base, la mainmise des comptables sur l’enregistrement et la présentation des transactions économiques est de plus en plus contestée. Les ERP[5] permettent de générer automatiquement plus que 90% des écritures comptables. Les fournisseurs d’applications hébergées[6] mettent les logiciels comptables et de bureautique à la portée de tous les internautes. Par ailleurs, dans un environnement hautement informatisé où les entreprises sont capables d’arrêter leurs comptes quatre fois par an voire davantage dans des délais toujours plus courts[7], le processus d’audit traditionnel souffre de problèmes d’efficience et de pertinence. Enfin, dans un marché du conseil caractérisé par la diversité grandissante des fournisseurs potentiels et l’importance accrue des compétences en informatique, les experts-comptables sont plus que jamais exposés à la concurrence. D'un autre coté, la mise en place et l'intégration de systèmes d'information et de communication, l'internationalisation des entreprises et des transactions, le développement du commerce électronique, la surabondance et le besoin de contrôle des flux d'information sur le Net ainsi que les nouveaux besoins d'information (gouvernance, mesure de performance, capital intellectuel, etc.) présentent des réserves extraordinaires de travail pour les experts-comptables. Paradoxalement, l’étude des difficultés qui se posent à la profession comptable à l’aube de cette nouvelle ère nous amène à évoquer d’importantes opportunités de développement. C’est qu’un défi sans précédent se présente aujourd’hui à la profession : Créer de nouveaux mécanismes et modèles de présentation de l’information d’affaires[8] et de nouveaux services de certification et de conseil à forte valeur ajoutée pour répondre aux besoins des acteurs dans la nouvelle économie et défendre la position privilégiée dont la profession jouissait auprès de l’"ancienne" économie. Quelle est l'ampleur de ce défi ? Quel effet les technologies ont-elles sur les métiers de l'expert-comptable ? Quels sont les services que celui-ci doit proposer aux entrepreneurs de la nouvelle économie ? Doit-il se laisser porter par les vagues successives de changement ou bien se décider à réagir ? Si une réaction s'impose, comment l'organiser ? Comment la conduire ? Quelles sont les difficultés qui pourraient surgir ?… En essayant de répondre à ces questions, ce travail poursuit principalement les objectifs ci-après :
Ainsi, la première partie du mémoire sera consacrée à l'étude de l'impact des technologies sur les métiers de l'expert-comptable. On s'intéressera dans un premier chapitre à la manière dont les missions traditionnelles sont remodelées par les tendances technologiques. Le deuxième chapitre traitera des nouvelles missions développées pour répondre aux besoins d'un environnement économique fortement imprégné par les technologies de l'information et de la communication. La deuxième partie consistera en une réflexion sur l'attitude que la profession devrait adopter face à l'irruption des nouvelles technologies. Dans un premier temps, cette attitude sera abordée sous un angle stratégique. Deux axes stratégiques seront alors développés concernant respectivement les clients et les compétences. Ensuite, nous proposerons des repères pour le développement en pratique de ces axes. La réflexion sera enrichie par trois entretiens avec un universitaire et deux praticiens dont le Président du Conseil de l'Ordre des Experts-comptables de Tunisie. Ces entretiens figurent en annexes à ce mémoire (annexes 1 à 3). Enfin, en raison de l'importance des progrès que la Tunisie doit encore faire dans le domaine des technologies et de l'étroitesse du marché tunisien des systèmes d'information et de communication, il faut préciser que la valeur de ce travail est avant tout prospective. [1] Selon le site www.journaldunet.com [2] A. YAICH. "La profession comptable et les NTIC". Communication prononcée à l'occasion de La journée de l'expert. 2 mai 2001. [3] La France vient d'instituer un régime de Validation des Acquis d'Expérience au profit des personnes ayant des compétences sans avoir de diplôme. [4] D'après A. YAICH. Intervention ITEC 2003. [5] Enterprise Resource Planning. En français, Progiciels de Gestion Intégrés. [6] Ou ASP : Application Service Provider. [7] Les états financiers trimestriels de CISCO Systems sont arrêtés en une journée et publiés sur son site Internet six jours après la fin du trimestre. [8] Notion plus large et plus souple que celle d’information financière incluant les informations fournies dans un rapport annuel. |